Dans le cadre du Forum des Archivistes qui a eu lieu à Troyes en mars 2016, il s’est tenue une table-ronde intitulée “Mise en oeuvre de l’archivage électronique : bilans, débats et réflexions”. L’occasion de faire un point sur l’état de l’art de l’archivage électronique dans le secteur public.
L’épreuve du temps
Rien de plus naturel pour un archiviste que de remonter le temps. C’est à ce jeu que s’est prêté Thomas Van de Walle en nous racontant l’histoire du système Constance. Le sujet de l’archivage électronique ne date pas d’hier : en 1970, les Archives nationales lancent le projet Constance, afin de garantir la pérennité des archives numériques produites par l’État et les opérateurs publics. Depuis, Constance a accumulé une volumétrie conséquente : 25 To de données, 100 millions de fichiers, 400 versements, et a ainsi su prouver sa robustesse.
Malgré des efforts d’adaptation, ce système n’arrive plus à suivre le contexte actuel, qui évolue trop fortement. Les Archives nationales investissent donc dans un nouveau système d’archivage électronique (SAE), basé sur le socle VITAM et nommé ADAMANT, pour une mise en production en 2018. La capacité d’adaptation est donc clé, que ce soit pour l’archiviste comme pour le SAE.
La table ronde se poursuit avec la présentation d’un autre projet émanant d’une structure de l’Etat, le CINES (Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur). Précurseur en France en matière de service d’archivage électronique, le CINES se place en 2006 comme tiers archiveur pour l’enseignement supérieur en proposant un service d’archivage des thèses électroniques.
Grâce au choix du modèle OAIS, le CINES fait évoluer son SAE au fur et à mesure des besoins et de la montée en charge, en développant dans un premier temps les outils de vérification des formats à l’entrée dans le SAE, puis la planification de la pérennisation (2010) et le standard d’échange SEDA. D’une seule archiviste en 2005, l’équipe dédiée au SAE est passée aujourd’hui à 13 agents.
Le CINES a abordé l’archivage électronique par le prisme d’une problématique technique et doit faire face aujourd’hui à des questions d’usages, tels que la prise en compte de producteurs d’informations variés, la sensibilisation de personnels scientifiques à l’importance de l’archivage électronique, la collaboration avec de nouveaux acteurs institutionnels…
L’épreuve du terrain
La parole est ensuite donnée aux archivistes de collectivités territoriales qui contrairement aux projets de l’Etat en sont encore à l’épreuve du terrain.
“Pourquoi n’existe-t-il pas de système opérationnel pour les archives électroniques définitives ?” demande Edouard Bouyé, directeur des Archives départementales de la Côte d’Or. Le débat est lancé. Les freins à un tel système sont divers :
- Les directions générales confondent encore GED et archivage électronique
- Le ratio (risque de perte d’information x fréquence d’accès à l’information) / coût reste faible
- Le sujet de l’archivage électronique n’est pas la priorité de la réforme territoriale
Avec le dispositif AD-ESSOR, l’Etat tente malgré tout de donner l’impulsion. Mais pour Edouard Bouyé cette aide n’a pour l’instant permis de financer que des consultants et assistants à maîtrise d’ouvrage. Pour autant, il reconnaît que l’image de la profession a évolué, et son apport dans les projets de gestion du cycle de vie de l’information est de plus en plus valorisée.
Pour alimenter le débat, Florence Bernigaud et Céline Séname du Groupe Archives municipales/Archivage électronique (AMAE) de l’Association des archivistes français présentent les résultats d’une enquête sur l’état des lieux de la collecte d’archives électroniques dans les collectivités, dont plusieurs éléments interpellent :
- 60% des répondants ont une démarche d’archivage électronique en cours, mais la plupart des archivistes en sont à des démarches de sensibilisation, de recensement, de mise en place de bonnes pratiques.
- 25% ont eu recours à des assistants à maîtrise d’ouvrage sur des sujets variés (pilotage, cadrage, mise en place de scénarios,…). L’efficacité de ces prestations est jugée relative par rapport à l’objectif de collecte des archives numériques.
- Les correspondants-archives présents chez 67% des collectivités sondées ne sont que 5% à être moteurs dans la collecte d’archives électroniques.
- 15% des collectivités qui ont un SAE utilisent un système d’archivage mixte (pour leurs archives papiers et électroniques). Pour les 85% restant, 10% seulement ont un connecteur entre leur système d’archivage physique et leur SAE, 20% ne prévoient pas de connecteur.
- Les freins qui ressortent sont le manque de possibilités d’extraction depuis les systèmes producteurs, le manque de moyens humains et le manque de temps des services versants.
- Pour les collectivités équipées d’un SAE, les communications d’archives restent très faibles et le public est à 90% interne.
Confiance et (é)preuve numérique
Antoine Messonnier du SIAF et Hervé Streiff de Locarchives dressent ensuite le panorama des différentes normes applicables à l’archivage électronique, et proposent une analyse de l’impact du règlement européen eIDAS (electronic identification and services).
Ce nouveau règlement, qui s’appliquera directement en droit français, a pour but d’uniformiser le marché des services numériques (signature électronique, cachet électronique, horodatage, conservation de la signature électronique…) de manière transfrontalière.
eIDAS pourrait apporter 4 évolutions majeures pour les archivistes dans les 10 ans à venir :
- Dématérialiser à grande échelle l’acte de consentement
- Qualifier les prestataires de services de confiance (PSC)
- Placer le service d’archivage électronique comme un maillon essentiel de la chaîne de confiance du document numérique
- Capter les flux numériques au plus tôt et placer le service d’archives le plus en amont de la chaîne de production s’il veut maintenir sa valeur ajoutée
Deux principaux chantiers normatifs vont découler de ce nouveau règlement :
- La rédaction de référentiels au niveau de la Commission européenne sur la qualification des PSC spécialisés dans l’archivage
- La révision par l’AFNOR de la norme Z-42013
De l’épreuve à la preuve
Pour le Larousse, l’épreuve est un “essai par lequel on éprouve la résistance, la qualité de quelque chose”. L’archiviste et les systèmes d’archivage électronique sont actuellement mis à l’épreuve du temps, de l’adaptabilité, de l’interopérabilité, et osons même le dire : de l’utilité !
Cependant, le Larousse définit également l’épreuve comme l’interrogation, l’exercice, la composition faisant partie d’un examen, d’un concours. Une épreuve qui pourrait avoir pour sujet : les archivistes sont-ils capables d’être des acteurs de la confiance et de la pérennisation à l’ère du numérique ? Chez Naoned, nous faisons tous les jours en sorte d’aider les archivistes à réussir cet examen, et à passer de l’épreuve à la preuve.
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