15 mai 2017

Algorithmes contre institutions culturelles : un match perdu d’avance ?

  • Expertise et analyse
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Dans le cadre des dernières Rencontres Culture Numérique qui se sont tenues les 27 et 28 mars 2017 au Louvre, j’ai eu la chance d’écouter Dominique Cardon, sociologue et professeur à Sciences Po / Medialab, qui est intervenu sur le sujet “Les promesses du numérique : où en sommes nous ?”.

Dominique Cardon identifie trois causes principales de déceptivité vis à vis du Web :

  1. Une diversité de l’offre qui nous promettait de vastes possibles, mais qui finalement amène au paradoxe de l’overchoice. Des comportements plus monotones face à une offre plus grande.
  2. Un terrain d’expression sans limites pour la créativité, mais qui dans les faits montre que ce qui circule le plus n’est pas forcément le plus intéressant. Beaucoup de créateurs, mais peu de créatifs finalement.
  3. Un mariage entre éditorialisation et algorithmes qui devait former le couple parfait, mais on constate que les internautes en voulant se libérer de prescripteurs se sont soumis aux algorithmes de quelques géants du Web (Google, Facebook,…).
Evolution quantitative des publics des services d’archives de collectivités territoriales (source : rapports statistiques annuels du Service Interministériel des Archives de France).

Comment fonctionnent les algorithmes ?

Pour comprendre dans quelle mesure les internautes sont soumis aux algorithmes des géants du Web, encore faut-il appréhender le fonctionnement de ces algorithmes. Dominique Cardon explique que les algorithmes ont 4 outils de calcul :

Des algorithmes qui prédisent et amplifient nos habitudes

Les internautes ont souhaité se libérer des prescripteurs mais par cela ils ont fait confiance à des algorithmes qui les mettent en relation avec des contenus. Résultat : 95 % de l’audience va vers 0,03 % des contenus.

La cause en est simple : les méthodes de machine learning appliquées aux calculateurs de prédictivité des algorithmes analysent les usages et comportements des internautes, s’éduquent grâce à nos traces de comportement et les amplifient en proposant des contenus basés sur ces analyses. Jusqu’à mettre en exergue notre régularité des comportements et renforcer l’habitus de classe (Bourdieu).

Donnons aux algorithmes des signaux de curiosité

Comment parer la spirale imposée par les algorithmes ? Dominique Cardon identifie trois solutions :

Dominique Cardon conseille de “fabriquer” des enfants curieux : ils fabriqueront des signaux de curiosité pour les algorithmes.

Quelle place pour les institutions culturelles face aux algorithmes ?

Les institutions culturelles sont nées d’initiatives venues d’en haut. Elles représentent la “culture institutionnalisée”, celle des savants (top-down). Les algorithmes mettent en lumière la “culture amateure” qui se nourrit de l’entrelacement divertissement/culture et d’une logique d’expression de soi (bottom-up).

L’intervention de Dominique Cardon m’a naturellement amené à réfléchir au rapport entre les algorithmes du Web et les institutions culturelles avec lesquelles Naoned collabore :

Les institutions culturelles ont par essence une position de prescripteurs. Une position à l’opposé des algorithmes qui se sont placés comme une force libératrice des prescripteurs. Les algorithmes calculent la société par le bas en analysant signaux et traces laissés par les internautes.

Tout semble donc les opposer. Cependant, comme le dit Olivier Ertzsheid, “le rôle des algorithmes est de nous dire comment on accède aux ressources, pas comment sont ces ressources”. Les institutions culturelles ont donc un rôle de médiation et d’accompagnement à l’interprétation des contenus culturels (en fonction de l’âge, du contexte,…).

Les institutions culturelles doivent donc sortir de leur zone de confort :

Le match contre les algorithmes est avant tout une question de vision des institutions culturelles sur leur politique des publics.

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